Témoignage sur la situation de l’esclavage en Martinique à la veille de l’abolition.
Intéressante lettre à Berryer, de Jules de Peyronnet (1805/1872), fils du ministre de Louis XVIII et Charles X qui, ayant séjourné à Saint-Vincent où l'esclavage a été aboli en 1834, dresse un tableau sombre de la Martinique où il est désormais installé. "Ce qui me satisfait moins, c'est la triste position que nous a faite l'abolition de l'esclavage. Nos colonies sont tranquilles, il est vrai, mais nous manquons de travail : la vie du Prolétaire ici est si facile que quelques heures par semaine passées aux champs, suffisent à leur entretien. Le propriétaire souffre donc beaucoup et la preuve, c'est que la récolte de 1839 n'a été que moitié à peu près de celle de 1838 [...]. Je n'ai pas voulu laisser mourir l'esclavage aux Indes Occidentales sans faire connaissance avec lui. Aussi suis-je ici depuis deux mois, assistant, pour ainsi dire, à son agonie : n'ayant aucun intérêt dans le pays, je suis à même de le mieux juger que les Créoles eux-mêmes. Franchement, c'est un grand malheur que les philanthropes français se soient emparés de cette question de l'esclavage. Ils peuvent faire, et feront, je n'en doute pas, beaucoup de mal, pour arriver à un bien que le temps, et un temps assez rapproché, aurait naturellement amené. Vous savez à quel point se sont étendus les affranchissements volontaires pendant les six dernières années ; la force des choses aurait amené, je n'en doute pas, dans l'avenir une progression plus rapide encore. A quoi bon alors une loi d'abolition qui coûte tant d'argent à la France et occasionne tant de troubles ici? La loi qui a aboli la traite, n'a-t-elle pas par sa conséquence aboli l'esclavage? Mais on ne veut pas comprendre cela! Toutes les instructions de la métropole sont hatives, le Conseil colonial de son côté, est obstiné, de cette mésintelligence naitront que troubles et malheurs. En ce moment, le Conseil colonial s'est attiré du gouverneur une réponse à son adresse dont le résultat pourrait être une révolte des nègres [...]". Il disserte ensuite sur l'incapacité du gouverneur.
Vendu