Précieuse lettre de Nicolas Heinsius à Adrien de Valois
Nicolas Heinsius (Leyde, 1620/1681)[Le 15 mars 1651, Adrien de Valois à Paris demandait à Heinsius, alors en Italie, qu'il lui envoyât la copie d'un poème inédit récemment découvert dans un monastère de Padoue intitulé : De gestis Berengarii (Les Hauts faits du Roi Béranger). Un lettre du 15 juin 1652 prouve que la copie était en cours mais Valois ne la reçut que fin janvier 1654, et la fit éditer avec ses commentaires (cf. Nouveau Dictionnaire historique et critique ... de J-G de Chaufepie). La présente lettre (avril 1652) date d'un an environ après la première demande d'Adrien de Valois. Elle mentionne la mort de Pierre Dupuy (décembre 1651) garde de la bibliothèque du Roi. Jacques Dupuy, aussi cité ici est son jeune frère].
Traduction : "Quoique rien ne puisse désormais me causer de plaisir, je ne lis rien plus volontiers que vos lettres, mon cher Valois. Pourtant il s'est trouvé contre l'ordinaire qu'à la lecture de celles, - qui sont des plus agréables - adressées à moi le 3 des ides de mars, j'ai été saisi d'une tristesse ou plutôt d'une honte inavouée, comprenant que vous me poursuivez par trois fois avec une obligeance si obstinée; et je ne vais rien vous répondre encore sinon un silence grossier et impoli. Dans cette affaire, si je ne puis me présenter comme exempt de toute faute, du moins j'aurai j'espère pour excuse à cette nonchalance la fatigue d'un long et pénible voyage qu'il a fallu accomplir sans faiblir depuis le temps de mon départ.
Car les deux précédentes lettres dont vous faites état, je ne les ai aucunement vues. Vous les aviez confiées, je pense, à notre cher Bidalius et lui ensuite à un marchand de Lyon dont l'insigne perfidie a fait qu'elles ont toutes été interceptées sauf une que Bidalius m'a retournée. Bidalius lui-même n'est pas en tort ici. C'est pourquoi je vous prie bien instamment à l'avenir de confier à la diligence fiable de Jacques Dupuy plutôt qu'à tout autre - un homme très attaché à nous deux - toutes les lettres que vous destinez pour l'Italie. Je n'ai pas oublié le De gestis Berengarii. Si vous en doutez, vous pourrez vous en assurer pleinement en vous reportant à la lettre de Jean Rhodien reçue de Padoue en même temps que j'ai reçu la vôtre, il y a trois jours, où il est écrit entre autres choses : "Tu trouveras un exemplaire du Panégyrique de Bérenger chez Cl. Holstein, extrait par mon soin ; il y en a un autre chez moi. Si tu trouves un copiste à Rome, tu pourras satisfaire plus rapidement M. de Valois." Certes oui, mon cher Valois je préfèrerais que la copie se fasse sur l'original. Quoiqu'il en soit, je n'aurai de cesse à satisfaire vos désirs.
A la Vaticane je travaille sur Ovide et Claudien jusqu'à présent. Quand j'aurai suffisamment peiné à restituer ces auteurs dans leur intégralité, je jugerai que j'en ai fait assez pour eux. Ces études critiques ne sont pas un gagne-pain. J'ai appris avec contrariété la mort du Père Sirmond et de (Pierre) Dupuy. Chacun d'eux survit à présent par sa gloire, ce dernier surtout par vos éloges. Votre élégie est bien digne de lui. Je continuerai plus à loisir avec vous. Pour l'instant vous avez ces prémisses. Adieu, homme illustre, et vivez heureux en pensant à nous qui proclamons partout notre affection constante à votre égard. Bonjour à Cl. Maresius."
Vendu