Belle et rare lettre de Graevius relative à son travail sur Cicéron.
Johann Georg Grævius (Naumbourg, 1632/1703)Belle et rare lettre de Graevius à Adrien de Valois, écrite en latin, en particulier sur son travail sur Cicéron, dont voici la traduction : "Je réponds assez tard à ta chère lettre, car j’espérais pouvoir t’écrire plus précisément ce que tu voulais savoir d’Hofman. Je m’en suis soucié mais le livre que j’avais vu l’anné dernière en librairie à Amsterdam, je l’ai cherché en vain ici et dans les villes voisines. Je me souviens m’être fait la remarque, alors que je parcourais d’un oeil fuyant ce lourd dictionnaire et d’un si gros volume, que c’était un salmigondis de belles choses et de mauvaises, prises sans discernement de bons livres comme de mauvais. Hofmann est suisse si j’ai bonne mémoire. Demain je fais une course à Amsterdam où j’espère m’informer sur ce rejeton et son parent en questionnant ses compatriotes qui vivent dans cette ville. Mais je suis bien prêt à croire que ce faiseur de centons a pillé tes écrits si érudits et a inséré tes observations dans son volume plein d’enflure pour qu’elles brillent de loin comme de la pourpre au milieu des ces loques. Cependant il sera bien incapable de voler ta gloire et les fruits de ton génie, de ta science et de ton zèle d’autant qu’il a imprimé sur son nom une tâche des plus déshonorantes qui jamais ne pourra être effacée. Car les savants se moqueront de lui et il perdra sa peine, comme le mérite les plagiaires.
Je me réjouis que tu loue mon travail à mettre la dernière main à Cicéron. Pourtant je n’en fais pas à ma guise en voulant perfectionner cet ouvrage. Ici il faut en passer par la volonté des imprimeurs qui veulent accompagner l’édition des textes classiques de notes de divers auteurs, si je puis dire, que je nomme toujours les pestes de la littérature. Mais comme ils avaient négocié avec moi depuis longtemps cette nouvelle édition de Cicéron et ne voulaient pas démordre de cette volonté d’ajouter des gloses diverses, pour éviter que les études remarquables de tant d’éminents savants ne soient défigurées et mises en pièces ou bien que la beauté du papier et des caractères ne soit perdue, j’ai accepté cette dure mission, en ayant à cœur de la mener plus pour l’utilité publique que pour ma gloire. J’estimerai avoir assez recueilli le fruit de mes travaux si toi – qui m’es autant que tous les autres – tu aimes mon travail. Lequel pourrait être beaucoup plus fécond s’il m’était permis de sortir les vieux manuscrits cicéroniens qui sont gardés dans vos bibliothèques. Mais je dois me contenter de Caton. Les imprimeurs s’appliquent à présent à éditer les lettres à Atticus. Nos libraires ayant décidé une nouvelle édition de Florus, j’ai passé quelques heures à sa recension et pense l’avoir expurgé de beaucoup d’erreurs. Tu le verras sous peu car il n’est pas encore tout à fait imprimé.
Je me reproche bien l’erreur que dans la précipitation et l’irréflexion j’ai commise sur ton prénom dans l’épître au lecteur placée en tête des lettres de Cicéron. Je la corrigerai bientôt. Car ces lettres seront mises sous presse en plus petit format avec mes seules annotations. J’ai vu un exemplaire de la nouvelle édition d’Ammien de ton frère très regretté, admirable d’élégance que m’a envoyé Bigot.
Presse-donc, je te prie, la parution de cet ouvrage exceptionnel, doté de compléments si remarquables et que recommandera la splendeur de l’édition à ceux même qui ignorent sa valeur.
[...] Puisses-tu aussi nous faire la grâce de nous communiquer ses annotations sur le dictionnaire d’Harpocrate qui paraît à La Haye commenté par Maussac. Je tâcherai non seulement moi mais tous ceux qui honorent le nom de Valois : Nicolas Heinsius, Lemonius, Jacob Gronovius, que les oeuvres de ton frère paraissent séparément, sans adjonction d’autres auteurs, et cela le plus correctement et élégamment possible et qu’un nombre d’exemplaires suffisant soit envoyé à sa veuve.
J’ai grande envie de voir la Vie de ton frère (**) dont j’apprends la publication. Car s’il est personne qui admire ton frère et toi, c’est bien moi, sois en très persuadé, je te prie. Adieu, grand homme, et demeure mon ami.
A Utrecht le 21 juillet 1679
Si tu vois un jour les respectables Justel (*), Thevenot, Bigot et Huet, je te prie de bien vouloir les saluer de ma part en les termes les plus amicaux, sans omettre le Révérend Vavasseur"
(*) Henri Justel
Possesseur d'une riche bibliothèque, avec notamment des manuscrits précieux hérités de son père, il fut à partir des années 1660 une figure éminente du monde cosmopolite des savants européens. Il a organisé des réunions régulières (plusieurs fois par semaine) dans son domicile parisien, 22 rue Monsieur-le-Prince, à partir de 1664. Le cercle de Justel était proche de l'hôtel de Condé où se réunissait l'académie Bourdelot.
(**) Adrien est l’auteur de la Vie de son frère (†1676) : De vita Henrici Valesii, historiographi regii liber, Paris 1677
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