Manuscrit d’une version primitive de La Pucelle d’Orléans de Voltaire
[VOLTAIRE, François-Marie Arouet, dit]. La Pucelle d’Orléans ou Jeanne d’Arc– Poème héroicomique en douze quinzechantspar M. de Voltaire. Manuscrit broché, incomplet de la fin. Nombreuses corrections et additions.
Précieux manuscrit d’une version primitive de la Pucelle d’Orléans, sur laquelle on a, par additions ou substitution, porté les modifications successives du texte.
Le poème de La Pucelle d’Orléans est certainement l’ouvrage de Voltaire qui provoqua tout à la fois le plus d’enthousiasme et les réprobations les plus violentes. Sa publication fut l’objet un véritable scandale à la cour de France ; elle fut censurée et fit longtemps partie de l’Enfer de la Bibliothèque Nationale. Voltaire débuta la rédaction des premiers chants au début des années 1730 ; seul un cercle très restreint connaissait l’existence de ce texte licencieux, soit par la distribution de rares copies « officielles » de quelques chants, soit pour l’avoir entendu dans les sociétés où Thiériot en récitait des morceaux détachés. Bientôt des copies clandestines circulèrent, avec des variantes souvent outrancières dont Voltaire ne pouvait assurément en être l’auteur. C’est en octobre 1755, à Louvain (en réalité Francfort) que parut la première édition imprimée de La Pucelle d’Orléans, en quinze chants, publication clandestine faite à partir d’un manuscrit volé à l’auteur ou à ses amis, que Voltaire se hâta de désavouer. Puis d’autres s’en suivirent : en 1756 (16 chants), 1757, 1759. Ce fut en 1762 seulement que Voltaire publia une édition de son ouvrage, en 21 chants.
Le titre primitif de notre manuscrit indique un poème en douze chants (dans sa correspondance, durant l’année 1755, Voltaire évoque l’envoi de poèmes à 12, 14 et 15 chants à Thiériot, La Vallière, Mme de Pompadour, Richelieu, Argental, etc. Voir Besterman 5640 à 5749). Ce titre fut biffé et transformé en « quinze chants » avec, en marge, ajoutée après-coup, une mention d’édition « Louvain MDCCLV », mention elle-même biffée. Ce titre complet n’apparaît jamais comme tel, ni dans son titre primitif ni dans sa version remaniée, dans les différentes éditions. Nous avons donc bien affaire ici à une version primitive antérieure à la première publication.
Les variantes apparaissent dès les deux premiers vers de l’incipit :
« Je ne suis néVous m’ordonnés de célébrer les saints
Ma lyre/voix est faible et tant soit/même un peu profane »
La version primitive de ce second vers n’apparait dans aucune édition.
Les exemples sont très nombreux tant les corrections sont innombrables (pratiquement toutes les pages en comportent) ; toutes ces corrections ne sont pas de la main de Voltaire, mais du même rédacteur que le manuscrit. Parfois des paragraphes entiers sont biffés et les marges remplies, parfois complétés de feuillets interfoliés quand la place manque.
Le manuscrit est complet des douze premiers chants primitifs annoncés. Un chant treizième a été ajouté (transformé en chant XVI) ; ce dernier est incomplet de la fin.
Selon Colini, onze chants étaient composés en 1738, un quatorzième fut écrit à Potsdam en 1752 et un quinzième en février 1753.
L’étude réalisée sur Les manuscrits de La Pucelle, publiée en 1970 par l’Institut et Musée Voltaire de Genève, recense 31 manuscrits dans les bibliothèques du monde entier (New York Morgan Library, Paris BNF, Saint-Petersbourg Bibliothèque publique Saltikov-Tchédrine, Genève Institut et Musée Voltaire, etc.), bon nombre étant des copies faites sur des éditions imprimées. Seuls une poignée d’entr’eux présente un intérêt particulier, soit parce qu’ils portent des corrections de la main de Voltaire, soit parce que leur provenance permet de les attribuer indubitablement à Voltaire, soit parce qu’ils présentent des variantes. Il n’existe aucun autographe complet et un seul manuscrit « officiel » complet (celui copié par Madame Denis, en 12 chants, présentant des variantes nombreuses avec les éditions pirates).
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