Deux denses lettres du mathématicien Irénée-Jules Bienaymé à Michel Chasles
Irénée-Jules Bienaymé (Paris, 1796/1878)Deux brouillons de lettres de Bienaymé à Michel Chasles, consacrées aux mathématiques et plus particulièrement aux formules de Julius Plücker, à "la brochure de M. Schwarz" et à Nicolas Malebranche, qu'il étrille.
"Je trouve vos formules très bonnes : d'autant plus, pardonnez-moi cet amour propre d'élève, que je vous avais dit qu'il fallait qu'il y eut une multiplicité de contacts pour compléter vos nombres. Jamais je n'aurais rien découvert avec ce qu'il y a dans Plucker. J'en suis fâché pour lui, mais il est incomplet dans tout. Je ne suis pas surpris qu'il tombe dans l'oubli. Quant à la brochure de M. Schwarz c'est encore une nouvelle notation à apprendre, si l'on veut le suivre avec exactitude. Comme vous avez pu lire vous même son latin de cuisine, je n'ai fait que le lire et il ne m'a pas paru très utile à vos recherches". Il l'a aperçu à la séance [de l'Académie], mais il s'est éclipsé, car il faisait froid et elle était "mortelle".
On lui a confié un bachelier qui s'occupe de "cristaux de bois". "Il s'est beaucoup moqué de moi, parce que je lui ai demandé s"il pensait qu'en descendant de l'homme, à travers les animaux et les plantes, la vie ne se trouvait pas là encore sous quelque forme à nous inconnue, et l'esprit avec elle dans quelque coin. J'ai pris mon parti de rire de moi-même avec lui. Mais je n'en demande pas moins où est la vie".
Il s'interroge sur le mot analyse et a consulté nombre de volumes. "Je vais finir par être sûr que Platon ne s'est pas servi (mot grec) ni de ses dérivés [...]. Décidément aussi, Malebranche est fou, ridicule, ignorant, présomptueux et d'une légèreté sans égale. La Recherche de la Vérité, conçue sans esprit (car ledit fou n'est pas sans imagination) est exécutée de façon à multiplier les erreurs [...]. Il n'y a rien de curieux comme des prétendus éclaircissements dont il a enrichi son ouvrage primitif [...]. Sans le mouvement qui emportait le siècle dernier, cette Recherche de la Vérité aurait pû être nuisible. Mais les savants ont dû voir bien vite que Malebranche ne savait rien que pour l'avoir lu comme un écolier qui ne comprend qu'à moitié [...]. Il ressemble à Malthus qui ne savait pas un mot de statistique quand il a fait son livre, et a passé sa vie à y ajouter de mauvais renseignements. Malebranche était bossu et riche, il a dû avoir bien des flatteurs [...]".
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