Louis Racine justifie sa défense de Rousseau et raconte l’horrible supplice de Damiens
Louis Racine (Paris, 1692/1763)Longue lettre écrite le lendemain de l'exécution de Damiens (28 mars).
« Je vois, monsieur, par la lettre que vous avez reçue d'Amsterdam, et dont vous m'avez envoyé copie, que vous vous avez fait un violent ennemi : pour l'amour de Rousseau. Je ne vous conseille pas de prendre son parti si chaudement, il faut éviter les querelles littéraires. Qu'on pense de lui à Amsterdam comme on voudra, et qu'on m'y condamne d'avoir pris sa défense, ce à quoi je suis très indifférent. J'ai dû à sa mémoire et à la vérité, la lettre qui se trouve dans les Journaux de Trévoux. On en pensera ce qu'on voudra mais tout y est vrai [...]. Si vous avez lu la nouvelle édition de l'Histoire universelle de Voltaire, vous avez été indigné de la manière dont il parle de ceux qui font des vers latins, et qui ne sont poètes que dans une langue morte ». Lui même ne lit plus de vers... sauf ceux de Heerkens.
Il raconte ensuite l'horrible supplice de Damiens. "Le malheureux assassin fut hier exécuté. Il avoit poussé l'intrépidité et l'effronterie jusqu'au dernier jour, assurant toujours qu'il n'avoit point de complice ; il n'a rien non plus avoué à la question, mais apparement ses confesseurs l'ont changé. Il alla au supplice en baisant continuellement le crucifix et en pleurant. En arrivant à la Grève, il demanda à être porté à l'hôtel de ville où étoient plusieurs de ses juges. Il y passa une heure ; par conséquent, il aura déclaré quelque chose. Mais ce testament de mort si important est encore secret. Il a souffert pendant deux heures des tourments horribles, en jetant de grands cris. Les parties charnues tenaillées, en y jettant du plomb fondu. Six chevaux dont 4 étoient attachés à ses jambes, n'ont jamais pu séparer les membres du tronc, il a fallu à la fin que les bourreaux coupassent les gros nerfs des cuisses et des jambes. Je n'ai rien vu ni voulu voir de cet horrible spectacle [...]".
Vendu