Très belle lettre amicale de Marmontel à la salonnière Madame Louis
Jean-François Marmontel (Bort-les-Orgues, 1723/1799)Belle lettre amicale de Jean-François Marmontel à la salonnière Madame Louis. Elle était l'épouse de l'architecte Victor Louis et tenait un salon littéraire à la Chartreuse d'Aubevoye [Eure], fréquenté son voisin Marmontel [qui vivait depuis 1792 au hameau d'Habloville, à Saint-Aubin-sur-Gaillon], et également par Beaumarchais.
"Quoi! Depuis quatre jours pas une occasion de remercier ma très aimable voisine du billet charmant que j'ai reçu d'elle, et de l'attention qu'elle a bien voulu donner au passage de la St François! Et parce que mon jardinier est occupé, mon amitié sera muette? Non certes. Puisque la vieillesse me refuse des jambes, la jeunesse d'Angélique m'en prêtera [...]. Il est bien doux de voir que dans un temps où tous les mois se brouillent dans ma mémoire, le 4 octobre ne s'efface point du coeur de mes amis. La fête de François a été célébrée cordialement aux Rotoirs. Ma bonne voisine et sa famille se sont joints à ma femme et à mes enfants pour émouvoir ma sensibilité ; et vous savez, mon aimable voisine, que cette émotion ressemble en moi à de la faiblesse. Mais je n'en rougis point. Pourquoi vivrais-je encore? Et quel seroit pour moi le prix de la vie, si je n'éprouvois pas le bonheur d'être aimé? C'est le seul qui me reste, et vous y ajoutez infiniment. Voici cependant un hiver où je serai privé de presque toute communication avec vous ; et j'ai bien des raisons de penser qu'il sera long et triste. On dit que l'amour a inventé l'ingénieux secret d'élever des pigeons qui dans l'absence de deux amants feraient l'office de courriers. Pourquoi l'amitié n'empliraient-elle pas le même moyen de se donner une poste volante? Quel plaisir ce seroit pour moi de voir arriver de la Chartreuse une colombe apprivoisée [...]".
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