Huysmans fuit « la grande marée du panmufilsme » de l’Exposition universelle et se réfugie à Ligugé
Joris Karl Huysmans (Paris, 1848/1907)Huysmans, converti depuis quelques années, vivait à Ligugé où il avait fait construire la Villa Notre-Dame, non loin de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin où il était oblat.
Il vient de recevoir deux lettres, la première de l'éditeur Stock et la seconde d'Hennique. Il remercie son correspondant pour sa proposition d'hébergement rue de la Santé, qu'il décline, étant trop excentré : "Je resterai juste le temps nécessaire pour arranger l'affaire Goncourt et m'entendre avec Stock. [...] J'ajoute que ce voyage coïncide avec la Semaine-Sainte et que je suis tenu à un tas d'obligations matinales et culinaires qui font que j'ai besoin de me trouver dans mon ex quartier [...]" ; il descendra donc à l'hôtel du Vatican.
Sa subsistance reste difficile et elle dépend entièrement des subsides envoyés par Stock : "La lettre de Stock est sans allégresse et je suis fort ennuyé de ce côté, car toutes mes affaires reposent sur les siennes et s'il ne fournit point d'argent, c'est la disette, le grand jeûne. Il faudra que nous causions de cela. Il m'écrit qu'il a une audience de Waldeck-Rousseau, mais ce larbin des Juifs est un tel salaud qu'il n'est pas douteux pour moi qu'il l'inondera de promesses et le mettra dedans".
Il a promis aux moines de Ligugé de partager le repas de l'agneau pascal.
"Une seule chose me console un peu de ce déplacement, c'est l'idée que je ne verrai pas l'Exposition [Universelle]. Ça c'est quelque chose - la grande marée du panmuflisme [muflerie généralisée] se passera de moi. Ce qui serait bien, c'est si les jours d'ouverture, vous veniez ici. Les Lilas seront alors fleuris et leur senteur serait à coup sûr, plus délectable et plus saine que celle des affreuses charognes de toutes races de tout poil qui rempliront alors la foire des nations. Ce serait à envisager ne fut-ce qu'au point de vue de l'hygiène [...]". Il serait heureux de voir son médecin Crespel.
Pierre Waldeck-Rousseau (1846-1904), alors Président du Conseil des ministres et Ministre de l'Intérieur, était un défenseur du capitaine Dreyfus.
"L'affaire Goncourt" désigne très probablement la création de l'Académie Goncourt dont il fut l'un des membres fondateurs avec Léon Daudet, Gustave Geffroy, Paul Margueritte, Léon Hennique, J.-H. Rosny aîné, J.-H. Rosny jeune, Octave Mirbeau, Élémir Bourges et Lucien Descaves.
1200,00€