Longue et superbe lettre politique du lieutenant Brasillach durant la Drôle de Guerre
Robert Brasillach (Perpignan, 1909/1945)Longue lettre politique du lieutenant Brasillach durant le "Drôle de Guerre", qui était mobilisé depuis septembre 1939.
"[...] Je ne sais ce qu'est devenu Dubech. Il n'y a là, je crois, aucun mystère. Simplement il n'y a guère de théâtre, encore moins de chronique théâtrale. Il a tout juste fait un article la semaine dernière dans Candide. Pour Gaxotte [Pierre Gaxotte, responsable de J.S.P. jusqu'en 1939], le mystère est plus grand. Je saurai pourquoi il n'écrit plus à l'a.f. l'Action française]. Je crois qu'il faut en accuser l'instabilité de son humeur et le panier de crabes de la maison [...]".
Il a rencontré un ami commun qui "s'est montré fort virulent à mon égard, mais il n'est pas antipathique. Je dois vous avouer d'ailleurs que je n'ai pas discuté avec lui, quoi qu'il ait pu vous dire, car j'arrive à une très olympienne indifférence à la Daudet pour les gens qui me paraissent se tromper autant que lui".
A propos de l'homme politique roumain Corneliu Zeela Codreanu (1899-1938), créateur de Garde de fer, organisation nationaliste et antisémite : "Les erreurs de JSP [Je Suis Partout] sur Codreanu sont pure légende. Nous avons parlé de la Garde et de son chef quand c'était un mouvement magnifique ; et d'une ampleur inouïe. J'ai vu un Roumain, non garde de fer, qui m'a raconté l'impression produite à Bucarest par la mort de Codreanu : toute la ville en larmes dans la rue, comme si on avait tué un saint. Voilà ce que nous avons expliqué; mais toujours nous avons fait les plus expresses réserves et même de grands blâmes (voir article de Rebatet) sur la germanophilie de la Garde. Encore que, si vous voulez mon opinion, nous n'ayons guère à juger de la germanophilie d'un pays étranger (nous avons bien admis celle de Franco). La Garde a échoué, et elle a même dévié, et ses meilleurs éléments sont aujourd'hui autour du Roi. Tant mieux, mais ce qui a été a été.
A propos de Rex, revue belge fondée par Léon Degrelle : "Pour Rex, c'est un peu différent. Nous avons cru au succès de Rex (quoique pour ma part, dans ce que moi j'ai écrit, j'ai toujours laissé la place possible à l'échec), parce que Rex a été emporté en 36 dans un mouvement d'une ampleur extraordinaire. Dès qu'il y a eu échec, nous l'avons dit (ce n'était pas à l'élection Van Zeeland [Paul Van Zeeland, Premier ministre belge sous Leopold III], mais un an plus tard environ). Ce qui trompe les gens, c'est qu'au moment du succès de Rex, les antifascistes disaient : c'est un échec. Nous, nous disions : c'est un succès, car c'en était un. Quand cela n'a pas tenu, nous l'avons dit. Les défauts de Rex, qui sont essentiellement l'esprit brouillon, nous ne les avons pas cachés. Voilà tout. J'ajoute que pour ma part, je trouve même que J.S.P a enterré Rex avec trop peu de cérémonies. C'est que j'ai fort ancré le sentiment de la fidélité.
Voulez-vous que je vous fasse un aveu ? Oui, il y a un point sur lequel J.S.P. n'a pas dit la vérité, moitié par ignorance, moitié par timidité : c'est la Pologne [...]. Vous nous voyez disant que la Pologne est une arlequinade sans défense, et gouvernée par des politiciens (qui n'ont pas à l'heure qu'il est, reconnu le gouvernement d'Angers !!) ? [Le gouvernement polonais en exil, officiellement nommé gouvernement de la République de Pologne en exil, est le nom donné aux instances politiques légales polonaises qui, avec le président de la République de Pologne, après la campagne de 1939, se sont établies d'abord à Angers, en France, puis à Londres après la défaite de la France en juin 1940 pour continuer, au nom du peuple polonais, la lutte contre l'agresseur]. Après la Tchécoslovaquie ? Nous ne pouvions pas. C'est pour le coup qu'on nous aurait accusé d'être vendus à l'Allemagne. Et en outre j'ajoute que nous n'étions pas assez bien informés, (mais nous nous en doutions). Je ne crois pas qu'on puisse nous reprocher cet illusionnisme patriotique. Mais moi je sais, et je suis sûr que nous avons péché toutes les fois que nous nous sommes laissés aller à l'opinion commune : croyance à la force polonaise le courage des soldats est à part, bien entendu), anti-italianisme (heureusement limité), sans parler de quelque confiance accordée par ci par là au roi des Roumains, voire à d'autres balkaniques, dont je me méfie au fond. Le péché de J.S.P. c'est la timidité. Jamais nous n'avons dit des Russes, par exemple, ce que laisse voir leur actuel échec devant les magnifiques Finlandais ! [...]".
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