REF: 15017

Longue, rare et très amusante lettre en partie inédite de Diderot au margrave d’Anspach

Denis Diderot (Langres, 1713/1784)
Ecrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières, à la fois romancier, dramaturge, essayiste et traducteur.

Type de document : lettre autographe signée

Nb documents : 1 - Nb pages : 3 pp. - Format : In-4

Lieu : Paris

Date : 18 décembre 1776

Destinataire : [à Christian Frédéric Charles Alexandre, margrave d'Anspach et de Bayreuth].

Etat : Quelques rousseurs anciennes. Début de fente à la pliure horizontale, sans atteinte au texte

Description :

Rare et longue lettre de Diderot au margrave d'Anspach [aujourd'hui Ansbach], pleine de fantaisie, en particulier sur son amour du vin du Rhin. En bonne partie inédite (elle n'est citée dans la Correspondance, T. XV, p. 39, n°884bis, que d'après la notice du catalogue de la vente Victor Dérange de 1934, avec mention "original autographe non localisé actuellement").

"Je gagerais bien que Votre Altesse me trouve fort impoli, M. Diderot dit qu'il aime le vin du Rhin; on lui en envoye; et l'on entend point parler de lui. Monseigneur le philosophe Diderot qui ne peut disposer d'un moment à la ville, où son tems, ses soins, ses idées, et même sa bourse sont abandonnés au premier venu, n'a trouvé contre tant d'indigents auxquels il n'a pas la force de se refuser, que l'asile des champs. C'est là qu'il a passé huit mois de l'année dernière". Rentré dans sa famille dont il est "fort aimé" Diderot a bu gaiement et fort bien. Ayant appris qu'il avait à remercier son correspondant, il débouche à nouveau une bouteille pour célébrer "l'excellent prince que ni son rang, ni sa naissance, ni la cour, ni la richesse, ni aucune des séductions de ce monde cy n'avoit corrompu ; dont tous les hommes étoient restés les frères [...] et dont tous les gens de bien qui avoient l'honneur d'en être connus, étoient devenus les amis". Pourtant ce prince a-t-il pensé que "ce vieux vin du Rhin que vous m'avez envoyé et qui m'avoit a conservé la vie une fois, pourroit bien la lui conserver encore. Et savez-vous ce qu'il arrivera ? C'est que vous répondrez de toutes les folies que je ferai et que je n'aurois pas faites sans le vieux vin du Rhin. Si sur mes vieux jours, lorsqu'on n'a plus ni chaleur ni vie, je m'avisois d'aller faire une mauvaise comédie ou tragédie et que je fusse sifflé, c'est le vieux vin du Rhin qui en serait la cause. Si je m'avisois d'aller  indiscrètement remuer quelque question de philosophie ; et que notre ministere qui n'est rien moins que tolérant, s'avisât lui de m'envoyer méditer à la Porte St-Antoine, ce seroit encore au vieux vin du Rhin qu'il faudrait s'en prendre. Vous voyez jusqu'où je pourrais pousser l'énumération. Mais je supplie votre altesse de n'avoir aucun remords sur son acte de bienfaisance. Hélas, je suis devenu si sage que mes amis en sont alarmés pour ma santé. J'avois autrefois de commun avec l'Éternel de ne connaître ni le temps, ni l'espace. J'ai perdu ces attributs divins et je me suis fait homme tout platement comme un autre. À tout hasard, nous boirons toujours le vieux vin du Rhin, et nous continuerons jusqu'à la dernière goutte de faire commémoration de votre altesse. Pères, mères, enfants, et petits-enfants joignent leur respect au mien. C'est avec ce sentiment profond que je suis, Monseigneur, De votre altesse sérénissime, le très humble et très obéissant serviteur. Diderot".

En postscriptum, il ajoute : "Oserai-je suppléer votre altesse de me rappeler au souvenir de Mademoiselle Clairon ; et de lui faire agréer mon respect".

Mademoiselle Clairon était le nom de scène de Claire Josèphe Hippolyte Léris, actrice française (

Provenance : vente Victor Degrange du 15 mars 1934, n° 7924.

Encre brune sur feuillet double.

12000,00

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