REF: 15058

Exceptionnel poème médiéval des « Quinze Joyes de Nostre Dame », inspiré de Christine de Pizan

Type de document : manuscrit

Nb documents : 2 - Nb pages : 6 - Format : 168 x 114 mm

Lieu : France du centre

Date : vers 1450-1480

Destinataire : Sans

Etat : bon

Description :

Exceptionnels fragments d’un beau poème médiéval manuscrit, en français, comprenant les « Quinze joies de Notre-Dame » (2 feuillets se suivant ; incipit : "Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes..."), inspiré du poème éponyme de Christine de Pizan et dédié à la Sainte-Vierge, suivies des « Sept requêtes à Notre-Seigneur » (incipit : "Beau sire dieu je vous requiers…").

Il est orné d’élégantes initiales sur fond d’or, à antennes à rinceaux fleuris.

La tradition des « joies » de la Vierge à qui on demande d’intercéder est très vivace de la fin du XIVe à la fin du XVe siècle (voir Sonet, 1959). Elle correspond à une vogue de la poésie mariale favorisées par Charles VI et à une recherche de dévotion privée. Dans ses célèbres Quinze joyes de Nostre Dame (1402-1405), Christine de Pisan a elle-même donné une visibilité à cette tradition et pourrait avoir influencé la version de notre manuscrit. Citant la prière figurant dans notre manuscrit, Jean-François Kosta-Théfaine note qu’ « il existe une prière en prose extraite d’un manuscrit de la première moitié du XVsiècle dont l’extrême ressemblance avec celle en vers de Christine de Pizan est assez frappante » (2008).

Cette prière revient très fréquemment dans la tradition manuscrite et en particulier dans les livres d’heures. L’enchaînement avec les « Sept requêtes à Notre-Seigneur » figure par exemple dans plusieurs manuscrits étudiés par H. Suchier, notamment un manuscrit dans la bibliothèque du comte de Fresne vendue en 1893.

Texte :

  1. Quinze joies de Notre-Dame

« Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant les pastoureaulx vous trouvèrent et vostre doulx enfant Doulce dame, pries-luy que je le puisse trouver en toutes mes tribulations. Ave maria.

Et très doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant les troys roys vindrent adorer vostre chier filz et luy offrirent or encens et myrrhe et il les rechut Doulce Dame pries-luy que il veulle recepvoir mon oroison. Ave maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant vous l'offristes au temple et saint symeon le rechut entre ses bras. Doulce dame pries luy qu'il veulle recepvoir mon ame quant elle partira de mon corps. Ave maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant vous l'eustes perdu et vous le retrouvastes entre les Juifz en Hierusalem preschant. Doulce dame pries luy que si ie lay perdu par mes defaultes que ie le puisse retrouver par voz sainctes merites. Ave maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant vous fustes semonce aux neupces saint archedeclin et vostre doulx filz mua l'eau en vin. Doulce Dame, priez luy que il veulle muer la mannaistie de mon cueur et de mon corps en joye pardurable. Ave Maria.

Et tres douce dame pour icelle grant joye que vous eustes quant vostre doulx filz repeust cinq mille hommes de cinq pains et de deux poissons. Doulce Dame pries luy quil veulle mes cinq sens gouverner. Ave maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant pitie et compassion que vous eustes quant vostre doulx filz souffrit mort et passion en la croix pour nous rachater des paines denfer. Doulce dame pries luy que la mort que il souffrit pour nous nous gart de la mort pardurable. Ave maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes au Jour de pasques quant vostre chier filz resuscita de mort a vie. Doulce dame, pries luy que il veulle me resusciter autremblable iour du iugement et que ce soit au sauvement de mon ame. Ave Maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes au Jour de lascension qiant vostre doulx filz monta aux cieulx. Doulce Dame, pries luy que il traye apres luy mon cueur et toutes mes pensees. Ave Maria.

Et tres doulce dame pour icelle grant joye que vous eustes ».

  1. Sept requêtes à Notre-Seigneur.

« Beau sire dieu ie vous requier que vous me regardes en lonneur et en la remenbrance dicelluy regard dont vous regardastes lumain lignage quand vous envoiastes vostre chier filz en terre mourir pour nous et le livrastes à tourment et meistres vostre propre corps en obédience. Beau sire si comment ce fut vray ie vous requier que vous me regardes en pitie. Pater noster

Beau sire dieu ie vous requier conseil aide en lonneur de celle saincte parolle que vous distes a voz sains disciples quand vous desites pere des cieulx gardes ceulx qui (aviront en moy sire si comment) ce fut vray vous requier le pardon. Pater noster.

Beau sire dieu je vous requier que vous me regardes en pitie en lonneur et en la remenbrance dicelluy saint regart dont vous regardastres voz sains apostres quant vous leur distes que quelconque chose que vou sdemanderes a mon pere en lonneur de moy vous laures. Dire si comme ce fut vray vous requier que vous me regardes en pitie. Pater noster.

Beau sire dieu ie vous requier que vous me regardes en pitie en lonneur et en la remenbrance dicelluy regart dont vous regardastes saint pierre lapostre quant il vous renoya [renia] troys foys en une nuyt Sire si comment ».

Bibliographie :

Jean Sonet, « La dévotion mariale dans la prière française médiévale », Ciencia y fe, 15, 1959, p. 23-34. Jean-François Kosta-Théfaine, « Les XV Joyes nostre Dame rimees de Christine de Pizan, Cahiers de recherche médiévale, 16, 2008.  H. Suchier, « Les quinze joies nostre dame », Zeitschrift für Romanische Philologie, 17: 1-2, 1893, p. 282-285

ANNEXE

Christine de Pizan, Les quinze joies de Notre-Dame

On en trouvera ici, d'après un manuscrit de Reichenau, une version que nous avons légèrement modernisée afin d'être sûr qu'elle soit comprise par tous; mais nous n'aurions pas voulu altérer la candide pureté de l'original qui ne recule pas devant ce qu'il y a d'humain et par conséquent de charnel dans le mystère divin auquel Marie participa.

"Douce Dame de miséricorde, mère de pitié, fontaine de

tous biens, qui portâtes Jésus-Christ neuf mois en vos

précieux flancs et qui l'allaitâtes de vos douces mamelles; belle très douce Dame, je vous crie merci, et vous prie

que vous veuillez prier à votre doux Fils qu'il me donne en telle manière vivre en ce siècle que je puisse venir à sa miséricorde; et à la fin à vraie confession et à vrai pardon, par quoi je puisse son benoît corps recevoir dignement. Et ainsi vous le prierez, belle très douce Dame, et je m 'agenouillerai quinze fois en l'honneur des quinze joies que vous eûtes de votre doux Fils en terre. Ave Maria gratia plena.

Eh très douce Dame ! Pour cette grande joie que vous eûtes, quand le saint Ange Gabriel vous apporta la nouvelle que le Sauveur de tout le monde viendrait en vous : douce Dame, priez-le qu'il veuille venir en mon cœur spirituellement. Ave Maria gratia plena.

Eh très douce Dame! Pour cette grande joie que vous

eûtes quand vous allâtes en la montagne visiter ma dame sainte Elisabeth votre cousine et elle vous dit que vous

étiez benoîte et que le fruit de votre ventre était benoît : douce Dame, priez-le qu'il me veuille visiter. Ave Maria gratia plena.

Eh très douce Dame ! Pour cette grande joie que vous eûtes quand vous le sentîtes mouvoir en votre doux ventre : douce Dame, priez-le qu'il veuille émouvoir mon cœur à lui servir, aimer et honorer. Ave Maria gratia plena.

Eh très douce Dame ! Pour cette grande joie que vous eûtes au jour de Noël, quand votre doux Fils naquit de vous : douce Dame, priez-le qu'il veuille octroyer sa nativité à ma rédemption. Ave Maria gratia plena."

Sur vélin. 18 lignes par page.

Vendu