Maurice Ravel cherche à contacter Colette pour évoquer le projet de L’Enfant et les Sortilèges
Maurice Ravel (Ciboure, 1875/1937)Intéressante lettre de Maurice Ravel qui nous éclaire sur la genèse de sa fantaisie lyrique, l'Enfant et les Sortilèges, sur le livret écrit par Colette.
Il s'agit de la première lettre de Ravel mentionnant sa collaboration avec Colette.
"À mon retour des Andelys, où j'avais passé 4 jours - Maurice [Delage] en perme - j'ai trouvé le piano et me suis remis au turbin. J'espère que ça va me faire supporter l'état de civil, troublé par le canon lointain qu'on entend toute la journée, et, la nuit, par tant d'autres choses!... Ces réveils angoissants où je la sens près de moi, me veillant...
Ceci vous trouvera-t-il installé dans votre nouvel appartement? Comment vous trouvez-vous de vos nouvelles fonctions? Je pense que Jacques Durand doit être à Bel-Ebat. Je vais lui écrire. [Jacques Durand (1865-1928), dirigeait la maison d'édition de musique Durand, fondée par son père Auguste ; de 1916 à 1959, Lucien Garban devint l'un des principaux arrangeurs et orchestrateurs de la maison Durand et il aida Maurice Ravel à corriger des épreuves pour préparer la gravure de ses partitions].
J'ai plusieurs choses à vous demander : d'abord l'adresse de Colette Willy, que vous trouverez facilement. J'ai chargé Rouché d'une commission pour elle, et n'ai pas encore de réponse. Ensuite, voulez-vous me faire parvenir un exemplaire de mon Trio - sans parties séparées - ? C'est pour le travailler. Et les Études transcendantes de Liszt - Mazzepa, Feux-follets, etc...., si elles sont parues dans la nouvelle édition Durand?
Merci d'avance. Ecrivez-moi bientôt et croyez-moi bien affectueusement à vous. Maurice Ravel".
[La genèse de L'Enfant et les Sortilèges fut longue et difficile. En 1914, Colette fut sollicitée par Jacques Rouché, directeur de l'Opéra de Paris, pour écrire un livret de "ballet-féerie". Elle rédigea alors un premier poème en prose qu'elle intitula "Ballet pour ma fille", qui fut proposé tour à tour à Paul Dukas, Igor Stravinsky et Florent Schmitt qui refusèrent la proposition de le mettre en musique. Maurice Ravel fut alors sollicité en 1917. Le compositeur, toujours mobilisé sur le front, traversait une période difficile : il venait de perdre sa mère et se murait dans l'isolement. Une seule oeuvre fut composée durant cette période : le Tombeau de Couperin. Ce n'est qu'en 1919 que Ravel reprit contact avec Colette et y travailla à sa composition jusqu'en 1925, date à laquelle l'oeuvre fut créée à l'Opéra de Monte-Carlo].
Lettre publiée dans Maurice Ravel, l'intégrale, n°981, p. 583.
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