Max Thurian, de la communauté de Taizé, dénonce la violence de « Vieillards de chrétienté »
Max Thurian (Genève, 1921/1996)Par ces deux lettres, Max Thurian tente de dissuader son ami Jean-Marie Paupert de publier son ouvrage "Vieillards de chrétienté et chrétiens de l’an 2000" dans lequel il s'attaquait avec virulence au conservatisme de l'Église catholique, ayant été enthousiasmé par le concile Vatican II :
"Rentrant de Paris hier soir, j'ai trouvé votre manuscrit. Je l'ai commencé immédiatement, poursuivi ce matin, achevé à l'instant. J'en ai lu quelques passages au Frère Prieur. Nous sommes tristes, accablés, inquiets. Nous vous aimons assez, vous le savez, pour vous dire franchement notre sentiment. Frère Roger vous écrira [Roger Schutz, fondateur de la communauté de Taizé en 1944]. Pour ma part, je crois que votre partie critique tient trop du pamphlet. Vous allez blesser beaucoup d'hommes, alors que tant ont besoin de remède et de guérison, nous les premiers. Vous allez accuser la division, là où l'Eglise a besoin d'unité. Vous pourriez, en reprenant vos parties 3 et 4, faire une œuvre constructive. Nous avons besoin, je vous l'ai dit, de théologiens laïcs. J'ai espéré en vous, ne me faites pas perdre cet espoir. Je vous supplie de renoncer à cette entreprise dans toute sa partie négative et pamphlétaire. Envoyez le manuscrit au Père Chenu et au Père Congar. Vous ne pouvez pas ne pas écouter l'avis de vos amis. [...] Je me suis arrêté à ce que vous dites sur le sacerdoce : le sujet est si grave qu'il faudrait plus de temps pour l'approfondir vraiment. Vous citez Hans Küng sans vous référer à ses écrits, en particulier son dernier livre "Die Kirche", ce qui serait indispensable pour ne pas risquer de fausser sa pensée. Vous parlez de "dynamique du provisoire" et de "l'unanimité dans le pluralisme" ; je crains que par là vous utilisiez la pensée de Frère Roger dans un livre qui lui fera la plus grande peine. Vous évoquez cette peine de Taizé dans votre Avant-Propos. Elle serait réelle et immense si vous publiiez un pareil ouvrage. Vous avez fait une œuvre objective et fraternelle en écrivant sur Taizé ; vous avez cherché l'esprit œcuménique animant les chrétiens aujourd'hui ; vous ne pouvez pas vous contredire ainsi dans un ouvrage aussi violent que celui que vous projetez ; si vous le faites, vous vous éloignerez de nous et notre profonde amitié en souffrira. Je voudrais tant vous persuader, pour vous et pour l'Eglise, que cette entreprise est mauvaise. Vous valez mieux que votre colère [...]".
Vieillards de chrétienté et chrétiens de l’an 2000, paraitra tout de même en 1967. Paupert retourna ensuite vers le catholicisme conservateur.
Le conflit entre l'église traditionnelle (où la messe est célébrée en latin) et l'église contemporaine (ou la messe est célébrée en français) se poursuit toujours.
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