REF: 15437

Joseph Kessel relate sa rencontre et sa longue conversation avec Fédor Chaliapine

Joseph Kessel (Clara, 1898/1979)
Romancier, journaliste et aventurier, membre de l'Académie française.

Type de document : manuscrit autographe

Nb documents : 1 - Nb pages : 7 pp. - Format : In-8

Lieu : Sans

Date : [vers 1938]

Destinataire : Sans

Etat : Trace de trombone.

Description :

Brouillon d'un article de Joseph Kessel sur le grand chanteur d'opéra russe Fédor Chaliapine, écrit à l'occasion de son décès, survenu le 12 avril 1938. D'une fine écriture serrée, avec ratures, corrections et ajouts.
Kessel dresse son portrait après qu'il ait été reçu, un an plus tôt, dans son bel appartement parisien, avenue d'Eylau. "Dans le grand salon d'un rez de chaussée, avenue d'Eylau, le crépuscule commençait à brouiller les ors des cadres et les couleurs des tableaux qui tapissaient entièrement les murs. Mais au milieu de la pièce, la lumière était moins franche. Elle isolait, elle cernait Chapialine [...]. Il se tenait très droit. Sa haute taille, son torse puissant se détachaient sur le fond de pénombre. Et aussi son visage qui avait une fraîcheur étonnante. Ses yeux bleus, attentifs et profonds s'enfonçant profondément sous l'arcade [...]. Ses traits réguliers respiraient l'intelligence, la finesse, et je ne sais quelle majesté charnelle. Deux tasses de thé fumaient devant nous. Entre elles était placée une bouteille de vieil Armagnac. Chaliapine emplissait souvent nos verres. Cela se passait il y a un an environ. J'ai conservé de cette causerie qui dura plusieurs heures un souvenir enchanté [...] je me sentais transporté d'ombres héroïques [...] chaque parole faisait émerger des images [...]" : Don Quichotte, le prince Igor, Boris Godounov, etc. Après avoir relaté l'histoire d'Ermak, l'explorateur russe du XVIe, et les conquêtes d'Ivan le Terrible, Kessel revient à Chaliapine et son alcoolisme qu'il compare à celui de Gorki : "c'était la rançon de leur génie, d'un génie qui appartenait entièrement aux forces élémentaires, aux steppes infinies comme la mer et lorsque l'herbe est haute, mouvant comme elle, à la Volga qui, lorsqu'elle déborde, semble une divinité toute puissante, aux vents qui soufflent de l'air, à toute la richesse vierge et pathétique de la terre russe. Comme je la connais, comme le l'aime cette terre, continuait Chaliapine, paraissant faire écho à ses pensées [...]. Chaliapine rit encore. Puis il me regarda comme s'il ne me voyait plus et dit tout bas : - que c'est loin tout ça, mon Dieu, et que c'est près. On assure que les vieux souvenirs reviennent en foule lorsque la mort est proche. Si c'est vrai... Il eut un geste fataliste et remplit nos verres [...]".

2600,00

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