2 très belles lettres de Lamennais sur l’Avenir et les révolutions européennes
Félicité Robert de Lamennais (Saint-Malo, 1782/1854)Deux très intéressantes lettres de Lamennais, adressées à l'historien Edouard d'Ault-Dumesnil.
Quelque mois après avoir fondé avec Charles de Montalembert et Henri Lacordaire, le journal L'Avenir, Lamennais propose une collaboration à l'historien Edouard d'Ault-Dumesnil. Cette même année 1831, révolté par la condamnation du soulèvement de la Pologne, Lamennais s'oppose au pape Grégoire XVI.
Dans une première lettre, il revient sur l'élection manquée de son correspondant, le remercie pour l'exposé de ses opinions, qui a produit un grand effet et évoque "la déloyauté de plusieurs royalistes". Selon lui, "ces Messieurs qui parlent tant d'honneur [...] après nous voir traité de jacobins, arrivent à pleines voiles dans nos doctrines, à cela près pourtant de ce qui en fait la force, et en règle l'application, la vérité catholique. Je suis très flatté de l'approbation que vous accordez à mes articles sur l'avenir de la société. J'ai lu les vôtres avec un extrême plaisir, et j'en attends la suite avec impatience. C'est, sans aucune comparaison, ce qui a été écrit de mieux sur l'expédition d'Alger. Vous n'avez pas fait une simple relation, mais de l'histoire". Lamennais évoque la politique internationale : la triple restauration en France, en Belgique et en Pologne. "Je ne saurais m'expliquer ce qui se passe en France et dans le reste de l'Europe, qu'en supposant un plan arrêté entre les puissances d'effectuer simultanément une triple restauration, en France, en Belgique et dans la Pologne, et je ne serais pas surpris que ce plan, s'il existe en effet, ne se réalisât dans l'année ou dans la prochaine. En ce qui nous concerne il en résultera le gain de quelques libertés qu'il faudra aussitôt défendre contre le pouvoir, en même temps qu'on devra combattre pour obtenir celles qu'on aura refusées, quoique aussi nécessaires [...]".
Par une seconde lettre, Lamennais se réjouit que d'Ault-Dumesnil ait accepté de s'associer à ses travaux. "Il nous tarde de voir arriver la mi-novembre, afin de nous concerter avec vous, pour donner ensemble un nouvel élan à tout ce que l'on n'a pu guère que commencer jusqu'ici. Votre idée, au sujet des littératures étrangères, me parait excellente [...]", mais il craint qu'elle ne trouve sa place dans l'Avenir. Il attend de d'Ault-Dumesnil un article sur le dramaturge espagnol Pedro Calderón de la Barca. "L'Espagne a un grand nombre d'écrivains remarquables, et presque aussi inconnus en France que les auteurs du Mahabharata et du Ramayana. Quant à l'Allemagne, il faudrait trouver, pour rendre compte de ses productions, quelqu'un qui pût les examiner d'un autre point de vue que M. d'E. [le baron d'Eckstein], les analyser avec plus de netteté, et les mieux juger par rapport à nous, avec une raison sévère et élevée, sans préjugés nationaux et sans engouement pour ce qui vient du dehors ; car souvent il en vient des choses fort ridicules, témoin ce que la Revue européenne nous a dernièrement donné des doctrines de M. de Bander [...]". Il ajoute : "M. de Montalembert voyage en ce moment dans le midi de la France. Partout, jusqu'à présent, il a reçu le meilleur accueil. Son voyage sera fort utile à L'Agence et même à L'Avenir. Ce qui nuit surtout à celui-ci, c'est l'opposition des évêques et d'une certaine partie du clergé. On défend de s'abonner et même de lire. La lumière qui jaillira des événements qui se préparent, dissipera, je l'espère, les préjugés qui aveuglent beaucoup d'esprits, et calmera les passions qui semblent, depuis quelques temps, s'exalter de plus en plus [...]".
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