Belle lettre d’Esquirol sur la maladie mentale de la femme de Barbé-Marbois.
Jean Etienne Esquirol (Toulouse, 1772/1840)Très belle lettre d'Esquirol sur la maladie mentale d'Elizabeth Moore, l'épouse de Barbé-Marbois, dont il s'occupe depuis plusieurs années, exprimant son désespoir de ne pas voir d'amélioration notable de son état de santé. « [...] Quant à ses idées, nous n'avons pas fait un pas. Je suis désespéré, Monsieur, d'avoir à vous affliger ; mais je vous dois la vérité toute entière. Les prétentions à la souveraineté sont toujours les mêmes, même hauteur, même recherche de la solitude, plus par dédain que par le désir de rester seule. Dans les premiers temps, soit prévention, soit crainte, Madame ne voulait souffrir personne dans son appartement ; à cet égard, elle est plus traitable ; elle permet qu'on l'aborde, mais il faut éviter de lui parler maladie [...]. Nous avons soumis Madame à un régime régulier, elle a fait plus d'exercices, elle a pris une grande quantité de bains, nous avons glissé quelques remèdes dans sa boisson ordinaire afin de déterminer quelques secousses physiques. Nous avons attaqué ses idées tantôt avec fermeté, tantôt en tachant de gagner sa confiance, soit en paraissant partager ses prétendues infortunes, soit en lui offrant de les faire cesser, etc. une fois même j'ai eu recours à la frayeur. De tous mes efforts, nous n'avons obtenu qu'un régime plus régulier, une santé physique meilleure, plus de calme dans les idées, et le travail. Depuis 4 à 5 mois, Mme vit, pour ainsi dire, entourée de musique. Une jeune personne, ayant atteint une convalescence parfaite, fut logée à dessein dans un appartement voisin de Mme de B.M.... Cette demoiselle a un excellent piano, fait de la très bonne musique, pendant plusieurs heures. Ce moyen, si utile quelquefois, a été sans succès quoique Mme paraisse prêter son attention à la musique. Tout accès est-il donc fermé à l'espérance ? Non, Monsieur, non. Il est plus difficile de prononcer l'immuabilité de cette maladie que de toute autre ; j'ai vu nombre de personnes guéries après plusieurs années, la nature
faisant seule tous les frais de la guérison. D'ailleurs, Mme approche d'une époque où il s'établit chez la femme un nouveau mode de circulation, et des crises heureuses suit souvent la suite des efforts inséparables de ce changement de constitution. Quoique je sois loin de pouvoir assurer si Mme de B.M. se rétablira à l'époque de la cessation de ses règles, je crois que cette circonstance offre une chance heureuse et des motifs d'espérer, mais je pense aussi qu'il faut s'en remettre en tout point aux soins de la nature, se contentant d'éloigner tous les écarts de régime qui pourraient nuire [...]".
Elizabeth décèdera en 1834 sans avoir recouvré la raison.
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