André Breton détaille sa collection d’art et de manuscrits
André Breton (Tinchebray, 1896/1966)Dense et très intéressante lettre d'André Breton adressée à René Gaffé :
"[...] si je suis un peu en retard avec vous, c'est précisément que je suis en butte à toute sortes de tracas matériels". Breton propose à Gaffé de lui céder quelques objets de sa collection dont il donne le détail. Il n'a pu encore s'occuper du travail demandé et commencera à s'y atteler jeudi. "Je n'ai pas besoin de vous dire que j'agirai en tous points selon vos instructions et pour le mieux [...]. Je ne vous parlais d'une cession éventuelle de tableau ou d'objet que parce que je suis obsédé de quelques dettes criardes, qu'il me faut absolument me défaire de certaines choses et qu'il me semble absurde de m'adresser à un marchand [...]. La vérité est que j'aurais besoin d'une dizaine de mille francs [...]". Pour cette somme, il est prêt à lui céder : "le papier collé de Braque, « J'irai... le chien de verre », le fétiche Ubi du nouveau Mecklembourg, à votre choix (Ce fétiche, le plus beau que je connaisse, m'est revenu à moi-même à 13,500 francs, il y a plus de quatre ans. Un autre beaucoup moins ancien et sans les sculptures laté rales, a fait 18,000 francs plus les frais à la vente Bondy). « Le paquet de tabac de Braque » est, je crois, le papier collé le mieux centré et le plus séduisant de tout le cubisme ; « J'irai... » le tableau le plus surréaliste avec la lettre, de Chirico [...]. Je dispose encore de deux grandes toiles de Chirico : « L'énigme d'une Journée » (Cf. le Surr[éalisme] et la Peint[ure]) et celle dont je vous joins la photographie, cette dernière acquise par moi seize mille francs en 1928 à Pierre Loeb, d'un très beau fétiche de Nouvelle-Zélande que je vous avais montré à votre passage et de la fameuse « Mariée » de Marcel Duchamp [...]". Breton détaille le prix attendu des différentes oeuvres, et ajoute : Pardonnez-moi cette avalanche de chiffres. Mais dès que ma situation sera un peu rétablie, vous savez que je retiendrai tout ce que je pourrai de ces choses, dont je n'avais pas envisagé jusqu'à ces derniers jours de me séparer. Je ne dispose plus, je vous l'ai dit, d'aucun important manuscrit de moi (je sais cependant que Char se déferait du manuscrit du Second Manifeste, moyennant 6 ou 7000 francs [...]". Breton lui propose l'exemplaire d'épreuves de son premier livre Mont de piété avec les corrections de l'époque, pour 1500 francs "Cet exemplaire absolument unique s'accompagne du premier projet de couverture (inédit), sur le modèle des sacs à café et de commentaires nombreux de Paul Valéry, extraits de lettres à moi adressées pendant la guerre et recopiés de ma main". Il lui signale également "quatre documents très importants" de ses archives avec notamment les cahiers de procès-verbaux du "Congrès de Paris pour la défense et l'illustration de l'esprit moderne (1921-1922)" coïncidant avec la fin du mouvement Dada, et le cahier de la "Centrale surréaliste" de 1924-1925, contenant les observations et suggestions de ses amis et anciens camarades Aragon, Artaud, Desnos, Eluard, Boiffard, Gérard, Naville, Péret, ainsi que "le manuscrit complet des lettres reçues et réponse à l'enquête sur l'amour" et "tous les documents relatifs à la consultation de la rue du château".
Belle signature.
Vendu