Jacques Mesrine, depuis Fleury-Merogis, fête la libération de sa compagne Jeanne
Jacques Mesrine (Clichy-la-Garenne, 1936/1979)Longue lettre de Jacques Mesrine à son grand amour, Jeanne Schneider, enfin libérée après sept années de prison. Ecrite sur deux jours, elle est signée à deux reprises "Ton Viejo" et "Ton Pirate".
"Ma petite "libérable" adorée. Eh oui, ce soir c'est la fête... la cage s'est ouverte après 7 ans et 4 mois de souffrances. Là je t'écris et tu es toujours à Fleury, car il n'est que 18 heures 20... Tu viens d'apprendre "ta liberté". Que te dire, mon ange. Je suis fou de joie d'avoir vu juste. Cela est une nouvelle fois la preuve que dans la vie il faut toujours lutter. Je n'ose imaginer ta tête!... mais ce soir ta sortie sera digne de toi... Je t'ai fait préparer une fête dans un restaurant... que des "nanas" et le champagne à flot... Tu ne peux comprendre ce que je ressens. J'ai tellement voulu cette liberté. J'y ai toujours cru et t'ai encouragée à y croire. Quand Aiche est venue à 17h30 elle avait le doigt levé de la victoire. Elle m'a dit "vous aviez raison" ; mais je crois que tu dois cette liberté au travail de tous. Aiche, madame Marshal et même madame Paudo. Bon Dieu que je suis heureux de te savoir enfin libre. J'ai lu les conditions... c'est très acceptable. Je t'en parlerai à notre prochain parloir... cela me fait tout drôle de savoir que maintenant nous allons nous voir plus souvent. Voyou va enfin avoir une belle cage... et tu iras chez un oiselier pour vérifier si c'était "une julie" ou "un julot" car il faut lui donner une compagne ou un compagnon (sic) le pauvre est resté assez longtemps au célibat. Je ne parle que pour l'oiseau (sic). Je connais ton programme de ce soir! une vraie "petite reine" j'ai dit à Aiche "crédit illimité" mais ne me la froisse pas ! car après 7 berges de badadi badadoi ! le champagne risque de faire "premier au poteau" ! Là tu es en train de préparer tes affaires, mélangeant tes larmes au sourire. Oui mon ange tu es "libre". Les portes s'ouvrent toujours un jour, mais ce qui est le plus beau, c'est que tu sors debout... tout comme tu y es entrée [...]. Oui, petite fille, ce soir j'ai le coeur en fête, car c'est la moitié de moi-même qui est libre. Je sais que tu respecteras la parole donnée [...]. Je ne t'ai pas fait sortir pour m'aider. Je l'ai fait pour que tu la conserves cette "maudite liberté". Maintenant je ne vais plus mettre (MAF) sur mes lettres... quel soulagement mon ange. Tu vas voir, on reprend très vite l'habitude de la liberté [...]. Je crois, ma puce, que mon instinct est celui d'un fauve. Je sens les événements. On m'a reproché de t'avoir donné cet espoir... mais j'avais raison. Je sais que tu as levé ta coupe de champagne à ma santé, "à l'homme" comme tu dis si bien. Je t'adore petit fille. Tu mérites tout ce qui est plus beau. Ton vieux bagnard pose de tendres bécots sur ta "liberté". Oui ma puce l'espoir est une force. Bonne nuit chaton, à bientôt te lire. "qui lui qui à Voyou!".
Le lendemain 29 octobre, Jacques Mesrine poursuit sa lettre : il ne comprend pas pourquoi elle travaille dès le lendemain de sa sortie. "Comme cela, ma puce, tu trouves "très dur" d'être libre [...]. La liberté provisoire n'a jamais été la liberté conditionnelle... on ne peut pas donner un droit pénal à ton employeur [...]. Si les choses ne me plaisent pas, je les ferai changer. Tu n'es pas sortie pour te soumettre et à ce sujet il faudra bien mettre les points sur les I ; le respect de la parole ne passe pas par l'esclavage au boulot [...]. Cela me révolte car c'est un peu une liberté chantage. J'espère au moins qu'hier au soir tu avais un peu de joie au coeur avec la petite réception que Aiche t'avait préparée au restaurant". Il se renseigne sur sa vie hors de la prison : "Nogent sur Marne c'est à combien de kilomètre de Paris ? et par quelle porte. Mon chef m'a dit que tu avais une petite larme à l'oeil et beaucoup de fric (sic) à ton compte [...]. Je peux t'affirmer que je n'ai pas tellement bien dormi car je partageais moralement cette liberté avec toi... cherchant par la pensée à imaginer tes réactions. Tu vas voir que tout va redevenir normal très rapidement. Moi je sais que le soir même j'aurais retrouvé mon équilibre car à Montréal j'étais au boulot trois jours après (sic) [...]. Surtout mon ange, tu m'expliques exactement tes conditions de vie sans rien me cacher - travail, logement, etc. [...]. Ok ma puce je te quitte pour ce soir en posant mes lèvres sur les tiennes en une douce caresse d'amour [...]".
Vendu