« L’anti-hommage » de Roger Chapelain-Midy à André Malraux
Roger Chapelain-Midy (Paris, 1904/1992)En réponse à une sollicitation pour un hommage à André Malraux, Roger Chapelain-Midi refuse de se joindre à l'admiration générale. Il envoi son texte et s'en explique dans une lettre.
"Il est certain que ma réponse à votre lettre n'est pas de celles que vous attendiez [...]. En m'efforçant d'être le plus équitable possible, j'ai la conviction d'avoir exprimé le sentiment d'une grande majorité d'artistes qui souffrent aujourd'hui d'un état de choses qu'André Malraux - à son insu peut-être - a favorisé. Ne pas le souligner eut été de ma part un manque d'honnêteté intellectuelle qui n'est pas dans mes habitudes [...]".
"En proclamant, tel que je l'ai moi-même entendu "la peinture est enfin débarrassée du monde sensible" et "l'art désormais sera abstrait ou ne sera pas", André Malraux restera l'homme le plus paradoxal du siècle. Intelligence exceptionnellement brillante, passionnée d'art, douée d'une vaste culture, ayant le don du verbe, éprise de grandeur, croyant à la force des symboles et à la puissance du sacré, mais parallèlement acteur né et nature d'aventurier, généreuse et entière, il aura - lorsqu'il eut cessé celles de sa vie et atteint le pouvoir - été l'homme qui en cautionnant les dangers de l'intellectualisme dans la création esthétique, perturbé les jugements et favorisé - malgré lui peut-être - les débordements et les mirages de toutes sortes. D'un secrétariat aux beaux-arts libéral et bon enfant, il aura, avec les meilleurs intentions, fait un ministère de la Culture dictatorial et un état dans l'état [...]".
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