Le marquis de Morès défend avec vigueur le gouverneur déchu de l’Indochine, Etienne Richaud
Marquis de Morès (Paris, 1858 /1896 )Violente mise en accusation contre Ernest Constans (1833-1913), ancien gouverneur de l'Indochine, en défense de feu son successeur, Étienne Richaud
"Monsieur le Rédacteur, en qualité d’ami de M. Richaud, je viens répondre à votre article du 14 juillet, intitulé - Ambition sans frein. Comme vous le savez, j’arrive du Tonkin où j’ai été m’occuper de colonisation, j’ai rencontré M. Richaud, j’ai appris à l’estimer, j’étais son ami, je suis l'ami de sa veuve et de ses enfants. Vous avez eu le grand courage d’entreprendre la défense de M. Constans, je prends la parole à la place de M. Richaud. J’ai vu au Tonkin les résultats de l’administration de M. Constans, et à mon avis, aucun administrateur honnête et intelligent ne pouvait prendre la responsabilité de sa succession. Pour ma part, j’accuse M. Constans, gouverneur général de l’Indochine, d’avoir :
I. fait perdre à l’État, 440 000 francs dans l’affaire des cercles chinois, les documents officiels ci-joints, vous montreront dans quelle circonstance. "La brutalité de certains faits, disait Richaud, rend leur justification impossible" ; je le répète avec lui.
II. D’avoir, comme gouverneur général de l’Indo-chine, falsifié les rapports militaires et sciemment trompé le gouvernement.
Je suis revenu par la Chine, la réputation laissé par M. Constans, ministre de France, m’a fait rougir en ma qualité de Français, d’avoir été représenté par un tel homme, et j’accuse M. Constans, ministre de France en Chine, d’avoir :
I. Compromis très gravement les intérêts de la France dans le traité avec la Chine, dans le règlement des questions concernant le commerce du sel, l’enclave de Paklung, la délimitation des frontières.
II. D’avoir déshonoré ses fonctions de représentant de la France en Chine, par son brocantage.
Ces accusations, et d’autres encore, je suis prêt à les formuler, soit en cour d’assises, soit devant la barre du peuple, et je suis prêt à défendre mes amis sur tous les terrains [...]".
[Après avoir révélé la situation lamentable dans laquelle se trouvait le Tonkin suite à l'administration désastreuse de son prédécesseur Ernest Constans (depuis Ministre de l'Intérieur), Richaud fut rappelé en France en 1889 malgré de nombreuses protestations contre Constans. Lors de son voyage de retour, à bord du paquebot Calédonien, dans le golfe du Bengale, Richaud mourut du choléra.]
Dans un second courrier (1890), le marquis de Morès dément des propos qui lui sont attribués dans le Figaro :
"Monsieur le rédacteur en chef dans votre numéro du samedi 26 avril 1890, à propos de la manifestation du 1er mai, à Paris, il est publié : ces inquiétants présages, n’empêcheront pas M. le marquis de Morès de prendre part à la manifestation. Si toutefois elle a lieu, car il ne croit pas à un succès. Je tiens à protester contre cette information ; la presse me prête beaucoup de propos que je n’ai jamais tenus ; je n’ai aucun mandat du peuple pour me mêler à la manifestation, j’ai toujours conseillé une fête pacifique car les troubles ne pourraient profiter qu’aux accapareurs en fournissant un prétexte à une répression sanglante et en faisant reculer la question sociale".
Vendu