Les conseils de l’abbé d’Olivet pour une publication sulfureuse clandestine.
Pierre Joseph Olivet (Thoulier d') (Salins, 1682/1768)L'abbé d'Olivet, membre de l'Académie française, fait un compte-rendu minutieux d'une audience accordée par le garde des sceaux dans l'affaire concernant une publication attribuée à son correspondant qui risque de déboucher sur une expertise en écriture des plus délicates. Puis il en vient à une publication licencieuse et il lui donne un certain nombre de conseils. «J'en reviens, cela étant, à l'impression que je vous ai déjà proposée, La vie du Fripon [roman picaresque et subversif de Francisco de Quevedo, auteur du sulfureux Heurs et malheurs du trou du cul], avec les pièces qui servent de preuves. Il est hors de doute que l'ouvrage exciteroit un cri public, qui ne pourroit avoir que de bonne suites. Comptez qu'il reste ici bon nombre de gens qui pensent comme il faut sur votre sujet. C'est ce que j'ai remarqué mieux que jamais par la manière dont on m'a demandé de vos nouvelles depuis mon retour. Vous connoissez M. Levier, libraire de La Haye. C'est un homme très propre pour conduire l'impression que je dis. On prendroit soin d'en faire entrer ici assez d'exemplaires, pour que le coup de l'indignation publique fût frappé en un instant. Levier est un bon homme capable de secret, ou je suis bien trompé [...]». Il lui adresse des pièces de théâtre. «Je vous fais venir cette lettre en droiture, au lieu de la mettre sous l'enveloppe de M. le Duc, qui pourroit avoir la curiosité de vous demander quelles nouvelles je vous écris. Ne laissez pas de lui dire que je vous ai écrit pour vous prier de lui souhaiter de ma part une année telle qu'il la mérite. Idem à mad. la Duchesse, à M. et à mad. de Lannoy, etc. [...]».
[Je remercie M. Volker Schröder qui a apporté les précisions suivantes : le destinataire de cette lettre est sans doute le poète Jean-Baptiste Rousseau, alors en exil à Bruxelles. L’expertise en écriture concerne les “couplets” injurieux attribués à Rousseau (cause de son exil), et la publication suggérée par d’Olivet ne serait pas un roman picaresque de Quevedo, mais un mémoire de Rousseau contre Joseph Saurin, visant à provoquer sa réhabilitation et son retour en France. “M. le Duc" doit être le duc d’Arenberg, protecteur de Rousseau].
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