Longue lettre de 7 pages d’André Gide à René Boylesve
André Gide (Paris, 1869/1951)Longue lettre d'André Gide à René Boylesve.
Il avoue ne lire plus que des ouvrages anglais, raison pour laquelle il tardé à répondre à son envoi. "[...] Quand on attend d'avoir passé la quarantaine pour commencer l'anglais on éprouve le besoin de mettre les bouchées doubles ; voici pourquoi, depuis 18 mois, j'ai lu Fielding, Defoe, Dickens, Stevenson, Meredith, Hardy, Conrad [...]. C'est aussi que je lis très lentement, comme je voudrais qu'on me lise [...]". Ainsi, il termine à peine Madeleine jeune femme de Boylesve et explique longuement ses scrupules et tourments causés par son retard. "Que va-t-il penser de moi? me disais-je... Que va-t-il croire? que je n'aime pas son livre - ou que peut-être, absurdement, je lui tiens rigueur de ce qu'il a le bon goût d'aimer moins mon Isabelle que ma Porte Etroite et la cordiale franchise de me le dire? [...]".
Gide dresse une critique élogieuse de Madeleine jeune femme. "Je ne sache pas que vous ayez jamais rien écrit de plus délicatement nuancé et de plus simplement lyrique que l'arrivée de Madeleine à Fontaine l'Abbé et l'insensible progression de l'amour dans son coeur. J'étais un peu gêné, durant les premiers chapitres, de ce que vous n'ayez point pris à votre charge, complètement, un si terrible sujet : comment une société se transforme ; mais j'ai bientôt admiré, au contraire, l'éloquence particulière que prêtait à votre peinture "l'indice de réfraction" d'un esprit de femme, et spécialement celui de votre héroïne, la peinture d cette société délestée, par quelqu'un si admirablement préparé à ne la point comprendre, et qui a si admirablement raison de ne la point comprendre, et de si admirables raisons pour ne la point comprendre [...]".
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