Passionnante lettre du pyrénéiste Ramond de Carbonnières
Louis Ramond de Carbonnières (Strasbourg, 1755/1827)Passionnant courrier dans lequel Ramond de Carbonnières, enthousiaste, résume à un confrère et ami proche, ses travaux et recherches :
"Vous me transportez de joye, Mon Cher Collègue, en m'annonçant votre arrivée à Barèges. Enfin je verrai un homme avec qui je puis apprendre, moi qui suis si las de n'en voir que de ceux qu'il faut enseigner. Je resserrerai des liens que j'ai formé avec un si vif sentiment de leur agrément et de leur importance. Ne trompez point mon espérance. Venez et venez vite. Je serai à Barèges dans huit à dix jours. Mon herbier ne devrait pas m'y suivre mais il y viendra. J'ai Murray, Le Species et Villars. Pour mes oiseaux ils sont en trop petit nombre encore pour qu'il vaille la peine d'en parler, et les embarras de l'emballage pour des oiseaux tout montés et des insectes sous glace me force de les laisser en arrière. Prenez avec vous du papier pour sécher les plantes. On en trouve point dans ce département qui le puisse remplacer et j'en ai très peu que j'ai apporté de Paris. Si vous venez bientôt vous ne serrez point embarrassé de logement. Si vous tardez écrivez moi pour que j'en arrête un. Malheureusement je n'ai pas un coin. Ma soeur, son mari médecin en chef des eaux de Barèges et moi nous occupons deux petits appartements réunis qui ne peuvent s'étendre. Comme vous j'ai hâté mon cours, car ma santé m'appelle aussi à Barèges très impérieusement. J'y aurai des élèves bien zélés qui nous aideront. J'ignore encore le succès du voyage de mes jeunes gens. Ils m'attendent à Tarbes où je serai demain ou après demain, et où le mauvais tems et ma santé m'ont empêché de me rendre aujourduy. J'aurais bien du chagrin qu'ils eussent manqué la saxifrage. J'ai bien du plaisir de celui que vous fait le Ranunculus Glacialis. J'en ai un autre échantillon comme je vous ai dit, et un ne suffit quand il s'agit de partager avec vous. J'ai construit moi même avec plein succès l'aréomètre de Nikolson. J'ai le chalumeau mais je ne puis avoir icy le sel microscopique. Il me faut contenter du borax et de l'alkali. Il me faudrait une douzaine de paires d'yeux de petits oiseaux qui sont ordinairement châtains ou bruns ; d'une demie douzaine de paires pour les perdrix, gelinottes & quelques paires intermédiaires pour héron, cigogne, aigles &. Il faut que j'obéïsse à l'heure qui me presse. Adieu. attachement inaltérable".
Depuis 1796, Ramond de Carbonnières enseignait, comme professeur d'Histoire naturelle, à la nouvelle École centrale de Tarbes. Botaniste, géologue et pyrénéiste chevronné, il organisa en 1797, une expédition pour atteindre le sommet du Mont Perdu, afin de trancher la controverse qui l'opposait à Dolomieu et Lapeyrouse, au sujet de l'âge primitif des calcaires des Pyrénées. L’expédition comprenait une quinzaine de personnes, dont Picot de Lapeyrouse, qui pourrait être le destinataire de ce courrier, ainsi que plusieurs de ses élèves. Le récit de l'ascension fut imprimé sous le titre de Voyage au Mont-Perdu et dans la partie adjacente des Hautes-Pyrénées. La même année, toujours accompagné de ses élèves dont Charles-François Brisseau de Mirbel (1776-1854) et Étienne-François Dralet (1760-1844), il réitéra cette ascension, qui fut couronnée de succès.
Ramond évoque trois brillants confrères : Dominique Villars (1745-1814) médecin et botaniste français, Johan Andreas Murray (1740-1791) médecin et botaniste suédois et le "Species", c'est à dire le Species Plantarum, ouvrage du célèbre naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778).
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