Précieux manuscrit de 200 pages de la pièce inachevée « Césarine » de George Sand
George Sand (Paris, 1804/1876)Précieux manuscrit autographe de George Sand, de l'adaptation théâtrale de son propre roman, Césarine Dietrich, écrit en 1870 et publié en 1871, pour lequel George Sand s'était inspirée de sa fille Solange, à l'intelligence brillante mais au caractère dominateur et rugueux.
Il est demeuré inachevé et inédit. Mention sur la page de titre : "Césarine - pas terminé - comédie - Bon" ; c'est l'un des tout-derniers de George Sand.
Pauline de Nermont a été engagée par un grand bourgeois, veuf depuis peu, M. Dietrich, comme préceptrice de sa fille Césarine, quinze ans, dont on découvre très vite l’intelligence brillante, et le caractère insatiablement dominateur, que nul ne sait maîtriser. On est à peu près sûr qu’en créant ce personnage, George Sand pense à sa fille, Solange, avec qui ses rapports furent si difficiles, qui reste pour elle un mystère. Césarine réduit à merci le marquis de Rivonnière ; elle finira par l’épouser. Avant cela, elle s’est prise d’un amour de tête pour Paul Gilbert, le neveu de Pauline, un jeune bourgeois modeste. Terriblement attiré par elle, il lui résiste par sens du devoir et de l’honneur. De sa liaison avec Marguerite, une simple fille du peuple qui l’aime absolument, il a un fils, pour qui il éprouve une tendresse passionnée. C’est à elle qu’il se marie finalement. Césarine, humiliée, poursuit sa carrière de marquise honorable, de coquette accomplie. Aux marges de l’œuvre, sont évoqués des problèmes politiques (métaphoriquement, le césarisme est attaqué à travers l’héroïne), des questions de mœurs, des types neufs dans l’univers sandien (souvent vus avec un soupçon d’ironie). Le cœur du roman est consacré à une sorte d’étude de cas, psychologique et moral, saisissant et atterrant, celui de Césarine, dont, en raison de l’absence de tout discours auctorial, le caractère et les conduites gardent pourtant une certaine opacité.
«J’avais trente-cinq ans, Césarine Dietrich en avait quinze et venait de perdre sa mère, quand je me résignai à devenir son institutrice et sa gouvernante.» C’est ainsi que débute le roman. Devenir la préceptrice de Césarine, cette jeune fille de 15 ans, belle, brillante, passionnée, habile manipulatrice, n’est pas une tâche facile. La relation qui s’établit entre elles est cependant riche et subtile. Césarine ne veut pas se résoudre à un mariage de convenance, pourtant fort avantageux, avec un marquis très amoureux d’elle, et qui conviendrait à son père. Elle jette au contraire son dévolu sur Paul Gilbert, le neveu de sa préceptrice, un jeune homme modeste, droit et loyal, tout son contraire. La résistance de Gilbert excite la passion de Césarine, qui ne connaît alors aucune limite et vire à une sorte de folie destructrice.
La pièce débute ainsi : "Acte 1er, scène 1ère. À l'hôtel Dietrich, dans un joli pavillon occupé par Pauline, petit salon riche. Pauline, toilette sérieuse. Elle met ses boucles d'oreilles et ses bracelets à la hâte. Bertrand entre. Bertrand : Mlle Césarine Dietrich fait prier Mlle de Nermont de ne pas se rendre au salon avant qu'elle ne soit venue lui parler. Pauline : fort bien. Il n'y a encore personne d'arrivé pour le bal? Bertrand : Pardon, il y a M. le marquis de Rivonnière qui aide Mlle Helmina Dietrich à donner le dernier coup d'oeil. Césarine entrant à Pauline : Je te demande un peu de quoi il se mêle [...]".
L'intérêt de l'œuvre s'avère aussi plus large par des allusions à des problèmes politiques (césarisme du Second Empire) et des questions de mœurs.
"[...] Paul. De quoi donc souffrez-vous ? Césarine. De votre injustice, car l'injustice me révolte. J'ai été nourrie, moi, d'idées généreuses; on m'a enseigné la bonté, la bienveillance, le dévouement. J'ai passé ma vie à donner du bonheur... Paul. Ce n'est pas bien difficile quand on en a de reste. Césarine. Ne confondez pas le bonheur avec la fortune. Je suis assez riche pour être généreuse sans mérite, mais n'y a-t-il que l'argent pour mouvoir la bonté ? Je croyais avoir une richesse plus précieuse, celle de l'âme, et j'ai été entourée d'affections que je passe pour mériter. Paul. Il y en a une que vous ne méritez pas. Césarine. La vôtre ? Paul. Non, celle du marquis de Rivonnière. Césarine. Qu'en savez-vous? Paul. Vous l'humiliez devant moi qui suis un étranger pour vous. Césarine. Vous devriez vous dire que mon amitié est un grand bienfait pour lui, puisqu'il l'accepte avec ses bourrasques. Paul. Alors pourquoi l'offrez vous, cette amitié, à un inconnu, comme si vous n'en saviez que faire ? Césarine. Est-ce que je sais, moi, pourquoi j'ai besoin de la vôtre ? Ne le voyez-vous pas ? Paul. Je vois que c'est une idée fixe! Eh bien je vais vous dire pourquoi elle s'impose à votre esprit! Césarine. Oui, dites ! Paul. C'est le dépit de voir, pour la première fois de votre vie peut-être, un homme qui ne vous demande rien. Césarine. Oui, c'est la première fois, j'en conviens, et cela me blesse jusqu'au fond de l'âme. Dites que je suis une enfant gâtée, une ambitieuse de domination, une coquette, même. Cela prouve que vous manquez de coup d'œil, car je ne suis rien de tout cela! Je suis une bonne âme toute grande ouverte à l'affection et à la confiance. On m'a habituée à être adorée. Je le méritais apparemment un peu, car sauf mon père, personne n'y était forcé. J'étais plutôt dans une position, à faire des jaloux, à être dénigrée par l'envie. Eh bien non! On me voit, on m'écoute, on sent que je suis aimable et on m'aime. Il n'y a pas de préventions, il n'y a pas de méfiance que je n'ai vaincue, et on m'a toujours bénie d'avoir voulu vaincre. Vous seul, de près comme de loin, vous me résistez. C'est mal, c'est injuste, c'est cruel. Il faut qu'il y ait en vous je ne sais quelle perversité, ou que vous pensiez que cette perversité existe en moi. Voyons, vous voilà au pied du mur. Vous me fâchez, vous me faites de la peine: pourquoi ? Répondez ! [...]".
Nombreuses ratures et corrections. Conservé dans un portefeuille de carton souple à lacets de tissu, portant sur le premier plat, de la main de sa petite-fille, Aurore Sand : « Césarine (fragment original) ». Aurore Sand consacra une grande partie de sa vie à préserver et à promouvoir l'héritage littéraire et culturel de sa grand-mère.
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