Remarquable lettre de Silvio Pellico au théoricien du Risorgimento, l’abbé Gioberti
Silvio Pellico (Saluzzo, 1789/1854)Pellico vient de lire à nouveau l'ouvrage de son compatriote et ami Vincenzo Gioberti, intitulé "Primato morale e civile degli Italiani". Ses impressions restent les mêmes : ce texte est une œuvre de grande valeur.
Traduction : "J'écris peu, et la plupart du temps, je ne peux vraiment pas en raison de ma mauvaise santé. Tu n’es pas non plus en bonne santé, mais plus jeune et plus fort. Que ta force dure longtemps. J'ai fait une nouvelle et attentive lecture de la Primauté d'Italie, avec des impressions égales à la première [...] il me semble que c'est une œuvre de grande valeur. Il m'a toujours semblé que critiquer les livres d'esprits puissants était une entreprise réservée à quelques-uns, et non à moi, et je ne me rangerais pas non plus du côté de ceux qui pensent pouvoir donner des observations importantes. Mais ici, après un dévouement déjà extrêmement généreux, tu publies un autre excellent livre, et une fois de plus, tu fais de moi une apologie chaleureuse et, je dirais, passionnée, avec un élan d'amitié. [...] Je ne sais rien de l’opinion que les gens défavorables ont de moi, quelle que soit la bannière qu’ils suivent. En cela, toi et moi, possédons la même hauteur et la même insouciance. Mon intellect manque de force, mais pas mon âme, et je souris à ceux qui, en m'accusant soit par des lettres anonymes, soit ouvertement [...]. L'excellente substance de tes livres serait la même, mais elle serait peut-être plus bienvenue, plus utile. Je n'ai rien d'autre à t'écrire, mon Gioberti, mais je t'aime d'une estime très particulière, très élevée, et je te juge sur les faits. Mon frère t'aime et te salue. Si tu vois le bon Giovanni Arrivabene [Giovanni Arrivabene (1787-1881), homme politique et intellectuel italo-belge], Berchet [Giovanni Berchet, poète, patriote et député italien (1783-1851)] et Arconati [le riche politicien Giuseppe Arconati Visconti (1797-1873) en exil dans son château de Gaasbeek, où il hébergea ses amis précédemment cités], dis-leur bonjour. Mes salutations à la Comtesse de Lalaing. Je t'embrasse de tout mon cœur. Silvio Pellico".
Transcription complète : "Mio caro Gioberti. Ho ancora a dirti che la tua buona lettera mi fu espressione gratissima dell'anima tua, e non potevi dubitarne. Scrivo poco, e davvero per lo più nol posso per questa così addolorata salute. Né tu pure sei sano, ma se più giovane e forte. Possano le tue forze durare lungamente. Ho fatto nuova ed attenta lettura del Primato d'Italia, con impressioni uguali alla prima; or più or meno contento, e ad ogni modo sen tenendo che è opera di molto valore. M'è sembrato ognora che il criticare libri di potenti ingegni sia impresa da pochi, e non da me, né mi schiererò fra chi pensa poterti regalare importanti osservazioni. Ma ecco che dopo una dedica già enormemente generosa e da mettermi vergogna, tu pubblichi un altro eccellente libro, e di nuovo mi ti fai con impeto d'amicizia caldo e direi spinto apologista. Tornerò a dirti che un tempo ti sono grato e ho voglia di sgridarti. Non mi piace né difendermi, né che gli amici alzino la voce in lode mia. Debole in altri punti, io nol sono niente circa qualsiasi opinione che di me portino persone avverse, qualunque stendardo seguano. In ciò possediamo tu ed io la stessa alterezza e noncuranza. Il mio intelletto manca di forza, ma non già l'animo, e sorrido di coloro che biasimandomi o con lettere anonime o all'aperta, si sognano di mettermi soggezione. Vorrei che neppur tu badassi. Sei giusto sprezzatore de' maligni, ma prorompi contr' essi, e più bello mi parrebbe non prorompere. La sostanza egregia dei tuoi libri sarebbe uguale, ma sarebbe forse più accolta, più utile. Altro non so scriverti, mio Gioberti, ma so amarti con una stima tutta particolare, altissima, e ti giudico da' fatti. Mio fratello t'ama e ti saluta. Se vedi il buon Giovanni Arrivabene, Berchet, gli. Arconati, salutali tanto. I miei ossequi alla contessa Di Lalaing. T'abbraccio di tutto cuore. Silvio Pellico"
"Primato morale e civile degli Italiani" venait d'être publié [1843]. Gioberti, alors exilé en Belgique, y formule l'idée d'une confédération des états italiens sous la présidence du Pape. Cette idée eut une considérable influence dans les milieux favorables à l'unification de l'Italie, appelée le Risorgimento. Gioberti rentra en Italie après 1845 et eut une carrière politique importante, il sera ministre plusieurs fois, et notamment Premier ministre et député.
Durant ces années, une forte immigration des intellectuels italiens vers la Belgique eut lieu. Ces exilés rentrèrent ensuite en Italie pour mener le combat de l'unification du pays et devinrent quasiment tous députés ou ministres.
Cette lettre fut publiée dans l'ouvrage "Lettere a Vincenzo Gioberti (1843-1845)" de Cristina Contilli [2010, n°1].
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