REF: 15427

Très rare et intéressante lettre de Gracchus Babeuf, incarcéré à Sainte-Pélagie

Gracchus Babeuf (Saint-Quentin, 1760/1797)
Révolutionnaire, il forma la « conjuration des Égaux » contre le Directoire et fut exécuté. Ses idées inspirent un courant de pensée, le « babouvisme », qui préfigure le communisme.

Type de document : lettre autographe

Nb documents : 1 - Nb pages : 2 pp. - Format : In-4

Lieu : "Maison d’arrêt dite Pélagie" [Prison de Sainte-Pélagie, à Paris]

Date : "29 floréal l’an 2 de la Rép. fr. une et ind." [18 mai 1794]

Destinataire : Sans

Etat : Bon

Description :

Brouillon de lettre de Babeuf, écrite durant la grande Terreur. Il a inscrit son nom en tête "Affaire de Babeuf. Merlin de Douay, rapporteur". Nombreuses ratures, ajouts et corrections.

Babeuf, jusqu'alors administrateur de Montdidier dans la Somme, avait été mis en cause dans une affaire de faux document, visant à spolier le propriétaire du domaine de Fontaine, par une falsification d'acte et avait fuit à Paris, où il fut rattrapé et emprisonné pour cela dès novembre 1793 :

« Camille Babeuf aux Représentants du Peuple composant le Comité de Législation.  Citoyens Représentants. Votre lettre d’hier que je viens de recevoir, et qui m’informe du décret que vous avez fait rendre d’après lequel le tribunal de cassation doit casser la procédure faite contre moi tant par le directoire des jurés de Montdidier, que par le tribunal criminel du département de la Somme, et renvoie le fond à un autre tribunal pour y être jugé conformément à l’article 10 de la loi du 19 floréal ; cette lettre a ramené le calme dans mon âmeAccablé par six mois de captivité, par les privations, encore plus cruelles pour mes enfants que pour moi, des choses de premier besoin, et par la terreur de pouvoir être jugé par la passion et le ressentiment aristocratique. Vous me délivrez de cette terreur affreuse, je serai jugé par des hommes impartissant et des républicains, mon insomnie n’a plus rien qui l’alarme. Recevez ô comité de législation, les bénédictions vraiment vertueuses du sentiment qui n’est bien actif que dans le profond malheur ; un martyr de l’humanité vous dit que vous avez bien mérité d’elle. Sans doute votre mission pour moi est finie au décret, que vous avez fait rendre, mais vos soins extrêmement vigilants à me répondre au moment même où vous avez reçu ma précédente lettre, votre égale activité à proposer le décret dès le lendemain du jour où la commission des administrations civiles, de police et des tribunaux vous a adressé le rapport officiel de mon affaire, tout cela me donne lieu de croire que vous vous êtes pénétrés jusqu’à quel point j’étais victime de la persécution, et que vous avez trouvé en moi le malheur. Tout cela m’enhardit à vous demander que vous le fussiez encor, et je ne vous proposerai pourtant que des choses qui seront la suite et le complément de ce que vous avez fait pour moi. Je vous demanderai d’abord de vouloir bien me faire adresser l’expédition du décret du 24 de ce mois, qui me concerne. Ensuite j’oserai vous prier d’écrire une lettre au tribunal de cassation pour l’engager à apporter la même célérité que vous-même dans l’expédition de mon affaire en considération du longtemps qu’il y a déjà que je languis, en considération de l’extrême détresse et du dénuement, de toutes souffrances où ma famille et moi sommes réduits et dont je vous ai esquissé le tableau dans mon autre lettre. Par les même motifs, par celui que je suis le dernier des sans culottes, pour les moyens pécuniaires, ce serait encore me rendre le meilleur office que de représenter au tribunal qu’il me conviendrait mieux d’être renvoyé au tribunal criminel du département de Paris que dans un département extérieur, parce qu’outre je n’aurai pas le premier sol pour faire une route arrivée, ma santé déjà considérablement altérée, loin des faibles secours que mon admirable femme peut encore quelque fois me procurer par le travail auquel ses mains innocentes se sont vouées, réduit tout à fait au pain et à l’eau des prisons, ne ferait peut-être trouver en peu de jours mon tombereau. Que le comité de législation me pardonne d’être descendu dans de petits détails, son humanité ne les lui fera pas trouver au-dessous de son attention. La justice que je reçois de lui maintenant ne me sépare pas d’avec lui aussitôt le moment où il me l’a rendue. J’irai, dès que mon innocence aura triomphé tout à fait, lui en faire le premier hommage, et lui offrir même, s’il en a besoin, mes faibles talents. Puisse-t-il ne pas les dédaigner, de celui que Marat, en 90, proclamait publiquement (feuille du 4 juillet), son père, son ami, et à qui il donnait de suite un brevet de bien mérité de la patrie pour avoir été dès lors victime du coup mortel qu’il avait porté à toute l’engeance des publicains et des vampires féaux. Salut et fraternité »

Babeuf restera encore plus d’un mois à Sainte-Pélagie, qu’il quitta le 28 juin pour Laon, où la chambre criminelle finit par le mettre en liberté provisoire le 9 juillet, 9 jours avant la chute de Robespierre.

4200,00

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