C’était un jour de mai 1993. Une pulsion magmatique, beethovénienne, irrépressible, envahit tout mon corps. Un doigt levé. Marteau.
Une lettre de Verlaine me tombait dans les mains. Une vraie. Pareille à celles des musées.
Je la posais devant moi, dans le silence du matin nouveau. La caressais du regard, l’effleurais du bout des doigts, la respirais. Fort, si fort. Je me retrouvais soudain happé dans le spectre de son auteur, envahi. Je crois bien que je l’habitais.
Enfermé à l’hôpital Broussais, les vers me dévoraient l’esprit. Je les jetais sur le papier, grouillants et chauds. Dehors, dedans, partout, il faisait froid. Je me noyais dans l’absinthe. Je venais de tirer sur un homme.
Je rouvris les yeux. J’avais découvert le secret du Petit Prince.
Ma vie fut bouleversée.
J’ouvris ma librairie en autographes et manuscrits. C’était aux temps préhistoriques. Au temps du livre et de la non-immédiateté, au temps où le temps existait. C’était en 1994.
Depuis 2011, elle est installée rue de Condé, entre Sénat, Odéon et Jardin du Luxembourg, en face de chez Beaumarchais, dans l’immeuble de Paul Léautaud, à l’endroit même où naquit le marquis de Sade, à 30 mètres de chez Camille et Lucile Desmoulins, au 29.
Emmanuel Lorient
Expert, membre de la Compagnie Nationale des Experts
Membre de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne (LILA)